L’hôpital psychiatrique est-il un lieu de soin?
C’est une des questions que m’a posé une journaliste de France télévision lors d’une interview sur le sujet des conditions d’hospitalisation en HP.
Ce n’est pas très agréable de se replonger dans ces souvenirs là. L’expérience de la chambre d’isolement, celle d’être attaché sur un lit… on préfère tous oublier ce genre de choses.
Un lieu de soin? J’ai plutôt vécu l’hôpital psychiatrique comme un lieu d’enfermement. Difficile de parler d’un lieu de soin, quand on ressort plus traumatisé que soigné avec comme effet secondaire un cauchemar récurrent encore aujourd’hui dans lequel je suis emprisonné sans motif.
L’enfermement, c’est lorsqu’on fait une grosse bêtise non?
Parce que moi, on m’a attaché et enfermé alors que je n’avais rien fait de mal. Non, je souffrais psychiquement, et en réponse à cette souffrance « on » (je n’accuse pas des personnes mais un système) m’a fait vivre la douleur de l’isolement extrême, là où j’avais besoin d’un soin bienveillant, d’une affection, d’une présence humaine.
Un lieu de soin… cela vaudrait dire qu’il y a des soignants. Durant mes hospitalisations j’ai rencontré non pas des soignants mais des surveillants. Pratiquement aucun contact ni de dialogue avec eux.
Là où j’avais surtout besoin d’un accompagnement psychologique, le soin se résumait à la distribution de médicaments. D’ailleurs, il en fallait bien du valium pour s’en dormir quand le camarade de la chambre à côté, enfermé, tape jusqu’au sang contre la porte. BAM, BAM, BAM,HEEEEEEEOOOOOO, BAM, BAM! Le pire c’est qu’on finit par s’y habituer.
On finit par s’y habituer… On finit par trouver toutes ces conditions normales…
Je ne suis pas étonné que les effroyables privations de liberté soient banalisé aujourd’hui dans notre société. Qu’à l’heure actuelle, dans les hôpitaux psychiatriques de France, des personnes soient « soignées » à coup d’isolement, de contentions, de camisole chimique, tout cela dans l’indifférence nationale.
Et je ne parle pas ici de l’infirmerie psychiatrie de Paris où j’ai eu le privilège d’y faire un court séjour. Mon ressenti? j’ai l’impression d’avoir été dans un lieu de non droit en plein cœur de la capitale… C’est pas demain que les médias pourront y mettre leur nez.
Bien des actions juridiques, des poussées politiques par des associations et collectifs tentent de rendre la psychiatrie plus humaine, mais hier encore je me suis rappelé qu’on y était pas rendu…
J’ai reçu le coup de téléphone d’une amie, rencontrée via les rencontres de l’association des hypersensibles, qui m’a raconté qu’elle venait de sortir de 23 jours de chambre d’isolement. 23 jours! Alors j’entends déjà des voix qui justifieraient avec doigté ce soin « thérapeutique », (car oui c’est un acte thérapeutique officiel ordonné par le médecin)…
…mais NON! c’est simplement terrible et effroyable, inexcusable.
Les choses donc ne changent pas tellement et ne changeront pas tant qu’il n’y aura pas une réelle mobilisation des personnes qui se sentent concernées. (D’où mon témoignage relativement sympa comparé à d’autres.)
Il faut que les centaines de milliers de gens ayant vécu ces conditions d’hospitalisations témoignent. Il faut les aider pour cela, les soutenir, les écouter.
Il faut se rassembler, s’unir, manifester. Il existe la mad pride, mais on est trop peu nombreux encore à défiler (quelque centaines c’est tout), alors qu’on est plusieurs millions à être concerné par la santé mentale. rdv le 10 juin 2017.
Il faut dé-stigmatiser les personnes qui souffrent d’un trouble psychique. Aujourd’hui on cache notre fragilité, on a peur de parler de nos expériences en hp, alors qu’il existe des associations, des collectifs. (le CRPA, Unafam, mad pride, commedesfous, pour n’en citer que 4) et biensûr l’association des hypersensibles qui créent des rencontres régulières à Paris et ailleurs en France pour permettre de libérer la parole pour les gens qui souffrent d’un isolement social.
Il est clair que nous ne sommes pas assez représentés et considérés par le gouvernement, c’est à nous d’agir, de nous unir, de nous exprimer pour changer cela.
William Brown
Président de l’association des hypersensibles
contact@association-hypersensibles.fr